Réunion de crise sur le Venezuela : l’OEA a-t-elle encore un intérêt ?
Réunis lors du 47ème sommet de l’OEA à Cancún au Mexique, les ministres des affaires étrangères des 35 pays membres souhaitaient discuter d’une éventuelle résolution concernant la crise au Venezuela, sans pour autant parvenir à un consensus. De quoi s’interroger à nouveau sur l’utilité réelle de cette institution, qui fait régulièrement débat.
Alors que la crise économique et sociale au Venezuela prend une tournure de plus en plus tragique avec près d’une centaine de décès lors de manifestations depuis le début de l’année et un afflux de plusieurs milliers de réfugiés aux frontières du Brésil et de la Colombie, l’Organisation des États Américains (OEA) s’est réunie lors de sa 47ème Assemblée générale à Cancún pour tenter d’apporter des éléments de résolution à un conflit qui dure depuis trois ans maintenant. Il y avait cependant lieu d’être pessimiste. En effet, bien que Caracas ne compte plus que sur quelques indéfectibles alliés à l’international (Russie, Bolivie, Cuba, Équateur, Nicaragua), le programme Petrocaribe – consistant en la vente de pétrole à prix préférentiel – lui attire la sympathie de beaucoup de pays de la région. Le Secrétaire général de l’organisation, Luís Almagro, avait déjà annoncé que la réunion n’aboutirait probablement à rien de concret : « le processus ne s’achèvera pas aujourd’hui, car même si nous parvenons à une résolution, c’est une crise profonde qui va se poursuivre ». Surtout, l’organisation s’était déjà auparavant réunie à Washington le 31 mai sans parvenir à une position commune. Il a également ajouté que le Venezuela devait respecter le Congrès (dirigé par l’opposition à Nicolás Maduro), avoir un pouvoir judiciaire indépendant, libérer les prisonniers politiques et convoquer des élections. Des déclarations ayant eu le don d’énerver Caracas, qui s’est déjà retirée de l’organisation – mais devra attendre 2019 pour officiellement en sortir – et a d’emblée affirmé que toute décision prise ne serait pas acceptée par le gouvernement vénézuélien. Si la plupart des pays membres se sont prononcés contre le projet de révision constitutionnelle du président Maduro, aucun consensus n’a de toute façon été trouvé lors des discussions.
L’Organisation des États Américains (OEA), dont le siège se situe à Washington, a été créée en 1948, afin de promouvoir la démocratie, défendre les Droits de l’Homme et engager des politiques de sécurité communes sur le continent américain. En fait, elle fut initialement pensée par les États-Unis comme un outil de lutte contre le communisme pour empêcher : Cuba en fut ainsi exclue pendant près d’un demi-siècle. Néanmoins, la puissance de l’organisation a décliné au fil des décennies, l’unité du continent proclamée dans les discours des dirigeants américains étant loin de se vérifier dans les actes, limitant de fait l’adoption de mesures d’envergure. Par exemple, lors de la guerre des Malouines, les États-Unis ont préféré la Grande-Bretagne, membre de l’OTAN, à la solidarité continentale avec l’Argentine.
Une tribune plutôt qu’un organe décisionnel ?
La fin de la Guerre Froide et la baisse du prestige des États-Unis en Amérique latine semblent avoir rendu cette organisation inopérante. Cette deuxième dimension semble se vérifier dans les propos de la ministre vénézuélienne des affaires étrangères, Delcy Rodriguez, en marge de l’assemblée, affirmant vouloir défendre son pays contre la volonté étasunienne d’intervenir dans son pays et de renforcer l’opposition au président Maduro. Déjà en 2015, le président équatorien Rafael Correa dénonçait une organisation « totalement influencée par le pouvoir des pays hégémoniques ». L’OEA ne s’est d’ailleurs toujours pas prononcée quant au projet de construction d’un mur à la frontière avec le Mexique voulu par le président des États-Unis, Donald Trump.
En parallèle, plusieurs organisations inter-gouvernementales ont acquis un poids majeur dans les relations diplomatiques américaines, telles que l’UNASUR ou la CELAC. Une nuance est cependant à apporter, dans la mesure où ces dernières se sont pas non plus parvenues à apporter des solutions relatives à la question vénézuélienne. Par sa nécessité d’accord aux 2/3, l’OEA rend difficile toute prise de décision sur un sujet sensible tel que peut l’être le Venezuela ; d’autant que l’arrivée d’une nouvelle administration protectionniste et (très) critique envers l’Amérique latine à la Maison-Blanche ne fait que renforcer la suspicion à l’égard d’une organisation déjà considérée par certains pays comme étant trop liée aux États-Unis. Se disant persécuté par Washington, il apparaît évident que Maduro n’acceptera aucune mesure en provenance de l’OEA. Cette dernière semble être davantage devenue une tribune diplomatique qu’un organe décisionnel concernant les grandes questions, ce qui n’est pas sans rappeler d’autres organisations internationales …